Freud [15] Le refoulement est une
défense du moi : Première Topique
Publié le 19
novembre 2007 par Maltern
φ Freud [15] Le refoulement
est une défense du moi : Première Topique
* Un
exemple de processus de défense du « moi » et de refoulement. L’image
de la salle de conférence.
« Je me
limiterai à l’exposé d’un seul cas, dans lequel les conditions et l’utilité du
refoulement sont clairement révélées. Néanmoins, je dois encore écourter ce cas
et laisser de côté d’importantes hypothèses. - Une jeune fille avait récemment
perdu un père tendrement aimé, après avoir aidé à le soigner - situation
analogue à celle de la malade de Breuer. Sa sœur aînée s’étant mariée, elle se
prit d’une vive affection pour son beau-frère, affection qui passa, du reste,
pour une simple intimité comme on en rencontre entre les membres d’une même
famille. Mais bientôt cette sœur tomba malade et mourut pendant une absence de
notre jeune fille et de sa mère. Celles-ci furent rappelées en hâte, sans être
entièrement instruites du douloureux événement. Lorsque la jeune fille arriva
au chevet de sa sœur morte, en elle émergea, pour une seconde, une idée qui
pouvait s’exprimer à peu près ainsi : maintenant il est libre et il
peut m’épouser. Il est certain que cette idée, qui trahissait à
la conscience de la jeune fille l’amour intense qu’elle éprouvait sans le
savoir pour son beau-frère, la révolta et fut immédiatement
refoulée. La jeune fille tomba malade à son tour, présenta de graves symptômes
hystériques, et lorsque je la pris en traitement, il apparut qu’elle avait
radicalement oublié cette scène devant le lit mortuaire de sa
sœur et le mouvement de haine et d’égoïsme qui s’était emparé d’elle. Elle s’en
souvint au cours du traitement, reproduisit cet incident avec
les signes de la plus violente émotion, et le traitement la guérit.
J’illustrerai le processus du refoulement et
sa relation nécessaire avec la résistance par une comparaison grossière.
Supposez que dans la salle de conférences, dans mon auditoire calme et
attentif, il se trouve pourtant un individu qui se conduise de façon à me
déranger et qui me trouble par des rires inconvenants, par son bavardage ou en
tapant des pieds. Je déclarerai que je ne peux continuer à professer ainsi ;
sur ce,quelques auditeurs vigoureux se lèveront et, après une brève
lutte, mettront le personnage à la porte. Il sera « refoulé »
et je pourrai continuer ma conférence. Mais, pour que le trouble ne se
reproduise plus, au cas où l’expulsé essaierait de rentrer dans la salle, les
personnes qui sont venues à mon aide iront adosser leurs chaises à la porte et
former ainsi comme une « résistance ». Si maintenant l’on
transporte sur le plan psychique les événements de notre exemple, si l’on fait
de la salle de conférences le conscient, et du vestibule l’inconscient,
voilà une assez bonne image du refoulement.
C’est en
cela que notre conception diffère de celle de Janet. Pour nous, la dissociation
psychique ne vient pas d’une inaptitude innée de l’appareil mental à la
synthèse; nous l’expliquons dynamiquement par le conflit de deux forces
psychiques, nous voyons en elle le résultat d’une révolte active des deux
constellations psychiques, le conscient et l’inconscient, l’une contre l’autre.
Cette conception nouvelle soulève beaucoup de nouveaux problèmes. Ainsi le
conflit psychique est certes très fréquent et le « moi » cherche à se
défendre contre les souvenirs pénibles, sans provoquer pour autant une
dissociation psychique. Force est donc d’admettre que d’autres conditions sont
encore requises pour amener une dissociation. J’accorde volontiers que
l’hypothèse du refoulement constitue non pas le terme mais bien le début d’une
théorie psychologique; mais nous ne pouvons progresser que pas à pas, et il
faut nous laisser le temps d’approfondir notre idée.
[...]Le
résultat le plus précieux auquel nous avait conduit l’observation de Breuer
(cas d’ Anna O.) était la découverte de la relation des symptômes
avec les événements pathogènes ou traumatismes psychiques. Comment
allons-nous interpréter tout cela du point de vue de la théorie du
refoulement ? Au premier abord, on ne voit vraiment pas comment. Mais
au lieu de me livrer à une déduction théorique compliquée, je vais reprendre
ici notre comparaison de tout à l’heure. Il est certain qu’en éloignant le
mauvais sujet qui dérangeait la leçon et en plaçant des sentinelles devant la
porte, tout n ‘est pas fini. Il peut très bien arriver que
l’expulsé, amer et résolu, provoque encore du désordre. Il n’est
plus dans la salle, c’est vrai; on est débarrassé de sa présence, de son rire
moqueur, de ses remarques à haute voix; mais à certains égards, le
refoulement est pourtant resté inefficace, car voilà qu’au-dehors l’expulsé
fait un vacarme insupportable; il crie, donne des coups de poing contre la
porte et trouble ainsi la conférence plus que par son attitude précédente. Dans
ces conditions, il serait heureux que le président de la réunionveuille
bien assumer le rôle de médiateur et de pacificateur. Il
parlementerait avec le personnage récalcitrant, puis il s’adresserait aux
auditeurs et leur proposerait de le laisser rentrer, prenant sur lui
de garantir une meilleure conduite. On déciderait de supprimer le refoulement
et le calme et la paix renaîtraient. Voilà une image assez juste de la tâche
qui incombe au médecin dans le traitement psychanalytique des névroses.
Exprimons-nous
maintenant sans images : l’examen d’autres malades hystériques et d’autres
névrosés nous conduit à la conviction qu’ils n’ont pas réussi à refouler l’idée
à laquelle est lié leur désir insupportable. Ils l’ont bien chassée de leur
conscience et de leur mémoire, et se sont épargné, apparemment, une grande
somme de souffrances, mais le désir refoulé continue à subsister dans
l’inconscient; il guette une occasion de se manifester et il
réapparaît bientôt à la lumière, mais sous un déguisement qui
le rend méconnaissable; en d’autres termes, l’idée refoulée est remplacée dans
la conscience par une autre qui lui sert de substitut, d’ersatz, et à
laquelle viennent s’attacher toutes les impressions de malaise
que l’on croyait avoir écartées par le refoulement. Ce substitut de l’idée
refoulée -le symptôme - est protégé contre de nouvelles attaques de
la part du « moi »; et, au lieu d’un court conflit, intervient maintenant
une souffrance continuelle. A côté des signes de défiguration, le
symptôme offre un reste de ressemblance avec l’idée refoulée.
Les procédés de formations substitutives se trahissent pendant
le traitement psychanalytique du malade, et il est nécessaire pour la guérison
que le symptôme soit ramené par ces mêmes moyens à l’idée refoulée. Si l’on
parvient à ramener ce qui est refoulé au plein jour - cela
suppose que des résistances considérables ont été surmontées -, alors le
conflit psychique né de cette réintégration, et que le malade voulait éviter,
peut trouver sous la direction du médecin une meilleure solution que celle du
refoulement. Une telle méthode parvient à faire évanouir conflits et
névroses. Tantôt le malade convient qu’il a eu tort de
refouler le désir pathogène et il accepte totalement ou partiellement ce
désir; tantôt le désir lui-même est dirigé vers un but plus
élevé et, pour cette raison, moins sujet à critique (c’est ce que je nomme
la sublimation du désir); tantôt on reconnaît
qu’il était juste de rejeter le désir, mais on remplace le mécanisme
automatique, donc insuffisant, du refoulement par un jugement de condamnation
morale rendu avec l’aide des plus hautes instances spirituelles de l’homme;
c’est en pleine lumière que l’on triomphe du désir. »
[Freud, Cinq leçons sur la psychanalyse, 1904]
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